Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les chasseurs vinrent et demandèrent au paysan s’il n’avait pas vu le loup.

— Non, je ne l’ai pas vu ! répondit le paysan.

Les chasseurs s’éloignèrent, le loup sortit du sac et se jeta sur le paysan pour le dévorer.

Alors le paysan s’écria :

— Oh ! loup ! n’as-tu pas honte ! Je viens de te sauver la vie et maintenant tu veux me dévorer !

Le loup lui répondit :

— Un bienfait s’oublie.

— Non, reprit le paysan, un bienfait ne s’oublie pas ; interroge qui tu voudras, on te le dira.

Et le loup reprit :

— Soit ! Allons ensemble sur la route, et nous demanderons à la première personne que nous rencontrerons si oui ou non un bienfait s’oublie. Si l’on me répond « non », je te laisserai vivre ; dans le cas contraire je te mangerai.

Ils poursuivirent leur route et rencontrèrent une vieille jument aveugle.

Le paysan lui demanda :

— Jument, dis-moi si un bienfait s’oublie ou non ?

La jument répondit :

— Quant à moi, voici ce que je sais : j’ai vécu douze ans chez mon maître, je lui ai donné douze poulains et, en même temps, j’ai labouré et charroyé. L’année dernière je devins aveugle, alors il me fit travailler au moulin. Enfin je perdis mes