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Il en fut ainsi.

Nos compagnons regagnèrent les traîneaux pour retourner au village ; Démian et moi, nous prîmes du pain et restâmes dans la forêt.

Restés seuls, nous examinâmes nos fusils, puis, ayant bouclé nos ceintures sous nos pelisses, nous suivîmes la piste.

Le temps était favorable, sec et froid. Mais la marche était difficile sur les skis, la neige était haute et meuble, nullement tassée, car il avait neigé la veille encore, de sorte que les skis s’enfoncaient dans la neige à un quart d’archine et même davantage.

La piste de l’ours se voyait de loin. On distinguait sa trace et les endroits où il s’était enfoncé jusqu’au ventre en faisant jaillir la neige. Nous franchîmes une haute futaie sans perdre de vue la piste, mais comme les traces disparaissaient ensuite dans un petit bois de sapins, Démian s’arrêta.

— Il faut abandonner la piste, dit-il. Il est très possible que l’ours se relaisse ici. Il s’y est déjà reposé, on le voit d’après la neige… Quittons la piste et écartons-nous. Seulement, marchons doucement, sans crier ni tousser, sinon, nous lui ferions peur.

Nous allâmes sur la gauche. Au bout de cinq cents pas nous regardons : nous avions, de nouveau, la trace de l’ours devant nous. Nous nous mettons à la suivre, elle nous mène sur la route. Là, nous nous arrêtons cherchant de quel côté l’animal est