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qu’il se vengeât. Il pria toute la nuit sans pouvoir s’apaiser.

Dans la journée, il ne s’approchait jamais de Makar Sémionov et ne le regardait jamais.

Deux semaines s’écoulèrent ainsi. Les nuits, Aksénov ne pouvait dormir, et il était en proie à un tel chagrin qu’il ne savait que faire de lui.

Une nuit, comme il se promenait dans la prison, il s’aperçut que de la terre tombait derrière une des planches servant de lit. Il s’arrêta pour voir ce que c’était. Tout à coup, Makar Sémionov sortit vivement de dessous le lit et regarda Aksénov avec une expression d’épouvante. Aksénov voulait passer pour ne pas le voir, mais Makar le saisit par le bras et lui raconta qu’il creusait un trou sous le mur, que chaque jour il emportait de la terre dans la tige de ses bottes pour la jeter dans la route, en allant au travail. Et il ajouta :

— Seulement, n’en dis pas un mot, vieux. Je t’emmènerai avec moi : si tu parles on me fouettera à mort, mais tu me le payeras ; je te tuerai.

Quand Aksénov aperçut celui qui était cause de sa perte, il trembla de colère, et dégageant son bras, il dit :

— Je n’ai point envie de m’enfuir, et toi, tu n’as pas besoin de me tuer ; tu m’as tué déjà, il y a longtemps. Pour ce qui est de te dénoncer ou non, Dieu en décidera.

Le lendemain, les soldats qui menaient les