Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Leurs barbes, leurs moustaches, leurs cils étaient blancs. Une buée sortait de leur bouche et de leur nez. Leurs chevaux étaient couverts de sueur qui se condensait en glaçons. Ils tiraient du collier, s’enfoncaient et retombaient dans l’ornière. Les paysans, les rejoignant, leur donnaient des coups de fouet. Deux vieillards marchaient côte à côte ; l’un racontait à l’autre comment on lui avait volé un cheval.

Quand ils furent passés, le lièvre sauta sur le chemin et, doucement, s’en fut vers l’aire. Le petit chien du convoi l’aperçut, se mit à aboyer et s’élança à sa poursuite. Le lièvre bondit vers l’aire, par les tas de neige ; l’un d’eux arrêta sa course ; et le chien aussi, au dixième bond, fut arrêté par la neige. Le lièvre resta assis un moment sur ses pattes de derrière et repartit tranquillement pour l’aire.

En route, il rencontra, dans un champ de blé, deux lièvres. Ils mangèrent et jouèrent ensemble. Le lièvre s’ébattit un instant avec ses camarades, fit avec eux un trou dans la neige glacée, mangea quelques grains des semailles d’automne et poursuivit son chemin. Tout le village était endormi, les feux éteints ; on n’entendait, de la rue, que les pleurs d’un enfant dans quelque isba et le craquement des poutres gelées. Le lièvre arriva dans l’enclos et trouva là des camarades. Il joua avec eux dans la grange nettoyée, mangea l’avoine d’un cuveau entamé,