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derrière lui. Soudain, à mes pieds, j’aperçus et entendis quelque chose : c’était Boulka. Il était allongé sur le flanc et poussait des cris, une flaque de sang sous lui. « Mon chien est perdu ! » pensai-je, Mais j’avais un autre souci et je m’éloignai.

Bientôt je vis le sanglier. Les chiens l’assaillaient par derrière ; le sanglier leur faisait tête d’un côté puis de l’autre. À ma vue, il fondit sur moi. Je tirai mon second coup presque à bout portant, si bien que les soies de l’animal prirent feu : il grogna, chancela, et, de tout son poids, s’abattit lourdement sur le sol.

Quand je m’approchai de lui, il était déjà mort ; à peine, par instants, un spasme, un dernier tressaillement. Les chiens hérissés et furieux lui déchiraient le ventre et les cuisses, lapaient le sang de sa plaie.

Alors je me souvins de Boulka et retournai le chercher. Il se traîna à ma rencontre en gémissant. J’accourus près de lui, et, me baissant, j’examinai sa blessure. Il avait le ventre décousu : ses entrailles pendaient sur les feuilles sèches.

Quand mes compagnons m’eurent rejoint, nous lui remîmes l’intestin en place et recousîmes la plaie. Pendant que nous lui cousions le ventre, perçant sa peau avec l’aiguille, il ne cessait de me lécher les mains.

On attacha le sanglier à la queue d’un cheval pour l’emporter hors de la forêt. On mit Boulka en