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« Eh bien ! tu viens donc enfin de mourir ? Tu y as mis le temps ! »


Boulka.

J’avais un petit dogue. On l’appelait Boulka. Il était tout noir, sauf le bout des pattes de devant qui était blanc. Les dogues ont la mâchoire inférieure plus longue que la mâchoire supérieure, et leurs dents d’en haut s’emboîtent dans celles d’en bas ; mais chez Boulka, la mâchoire inférieure était si proéminente qu’on aurait pu mettre le doigt entre les deux rangées de dents. Son museau était large, ses yeux grands, noirs et brillants, ses dents blanches, toujours découvertes. Il ressemblait à un nègre. Il n’était pas méchant et ne mordait point, mais il était extraordinairement vigoureux et tenace : quand il s’accrochait à quelque chose, il serrait si fort les dents qu’il restait suspendu comme un chiffon, et il était aussi difficile à chasser que la gale.

Un jour, on le lança sur un ours. Il lui attrapa l’oreille et y resta suspendu comme une sangsue. L’ours avait beau lui donner des coups de griffes, le serrer contre son poitrail, le secouer dans tous les sens, il ne pouvait s’en débarrasser. À la fin il se jeta à terre pour écraser Boulka, mais celui-ci ne lâcha prise que lorsqu’on l’eut arrosé d’eau froide.

Je l’avais eu tout petit et l’avais élevé moi-même.