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Cet ordre me mécontenta, je lui dis :

— Comment ! je n’ai pas chevauché du tout ! Vous verrez comme je vais galoper. Donnez-moi, je vous prie, une cravache un peu plus forte, je saurai bien l’exciter.

Alors le sous-maître, hochant la tête dit :

— Ah ! monsieur, vous n’avez pas de pitié ? Pourquoi faire galoper ce cheval ? Il a vingt ans. Il est accablé de fatigue, il respire à peine, il est vieux, très vieux !… C’est comme Pimen Timothéitch. Monteriez-vous sur Pimen Timothéitch et le lanceriez-vous au grand galop, à coups de cravache ? N’auriez-vous pas de pitié ?

Je me souvins de Pimen, et j’obéis au sous-maître. Je descendis de cheval, et quand je vis la pauvre bête, les flancs en nage, respirant avec peine de ses naseaux, et agitant sa queue courte et fournie, je compris combien il avait dû souffrir. Moi qui le croyais aussi joyeux que moi !… J’éprouvai tant de pitié pour Voronok que j’embrassai son cou tout mouillé de sueur, en lui demandant pardon de l’avoir battu.

Depuis lors, j’ai bien grandi, mais j’ai toujours pitié des chevaux, et, quand j’en vois martyriser, je me rappelle toujours Voronok et Pimen Timothéitch.


Comment j’appris à monter à cheval.

Quand j’étais petit, mes frères et moi nous tra-