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temps comme pour me demander : est-ce bien ?

C’est terrible à dire : parmi ces enfants, les uns savaient très bien lire, les autres ne savaient pas composer les syllabes. Ceux qui savaient lire se retenaient, par camaraderie, ceux qui ne savaient pas lire répétaient par cœur, et, pendant trois semaines, ils ne faisaient que répéter ces deux vers, stupide adaptation d’un conte d’Erchov qui ne convient pas du tout au peuple.

Je posai des questions d’histoire sainte : personne ne savait rien, parce que le maître, d’après la nouvelle méthode, ne forçait pas d’apprendre par cœur mais racontait d’après l’histoire sainte abrégée. J’interrogeai sur le calcul, personne ne savait rien, bien que le maître, deux heures par jour, encore selon la nouvelle méthode, leur montrât au tableau la numération jusqu’aux millions, mais sans les forcer d’apprendre par cœur. Je demandai les prières, pas un seul ne put répondre.

Cependant, tous étaient des enfants très bons, pleins de vie, d’esprit, et avides d’apprendre ! Et le pire c’est que tout cela se faisait d’après ma méthode ! Tous les procédés employés dans mon école étaient là : les lettres, écrites à la craie, apprises par tous ensemble, les syllabes épelées à haute voix, la première lecture expressive, et les récits de l’histoire sainte et l’arithmétique non appris par cœur. Mais, en même temps, l’on sentait en tout le procédé que le maître connaissait le mieux : celui