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ces narrations. Les élèves apprennent beaucoup mieux l’histoire de Russie que l’histoire générale, mais c’est uniquement parce qu’ils ont pris l’habitude de se rappeler et d’écrire tout ce qu’ils racontent et même parce que la question : À quoi bon tout cela ? ne trouve pas place ici ; le peuple russe est leur héros comme le peuple d’Israël, ce dernier parce qu’il est le peuple aimé de Dieu et que son histoire est artistique, l’autre, bien qu’il n’ait aucune prétention d’art, a pour lui le sentiment national. Mais l’enseignement de l’histoire de Russie est froid, sec et ennuyeux, et, malheureusement, l’histoire elle-même présente peu de cas capables d’exciter le sentiment national.

Hier, j’ai quitté ma classe et me suis rendu à la classe d’histoire, afin de connaître la cause du bruit qui arrivait de là. On narrait la bataille du champ de Koulikovo, tous étaient émus. — « Voilà une belle histoire ! » — « C’est bien ! » — « Comte Léon Nikolaïevitch, comme il a écrasé les Tatares ! » — « Laisse, c’est moi qui continuerai ! » — « Non, c’est moi ! » — « Le sang coulait comme un fleuve ! »

Presque tous pouvaient raconter très bien cet épisode et tous en étaient ravis. Mais s’il faut absolument satisfaire le sentiment national, que tirerons-nous alors de toute l’histoire de Russie ? 1612 et 1812, et c’est tout. Si l’on veut donner satisfaction au sentiment national, on ne peut étudier toute