Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en farine, son emploi, ils refusèrent absolument de traiter les sujets de cette sorte, et, s’ils écrivaient, ils faisaient des fautes incompréhensibles, monstrueuses, et leur narration était dénuée de style et de sens. Nous essayâmes alors de proposer des récits d’événements quelconques, tous en furent ravis. La description d’objets dits simples : le porc, le pot, la table, si en faveur dans les écoles, est incomparablement plus difficile que les récits empruntés à la mémoire. Avec la narration se répéta la faute commise pour toutes les matières d’enseignement. Le maître trouve faciles les sujets les plus simples et les plus généraux, et, au contraire, l’élève ne trouve faciles que les sujets compliqués et vivants. Tous les manuels des sciences naturelles commencent par les lois générales, ceux de la langue par les définitions, ceux d’histoire par la division en périodes, même la géométrie commence par la définition de la conception du point et de l’espace. Presque tous les maîtres, guidés par cette même idée, donnent comme premier sujet la description de la table ou du banc, et ils ne veulent pas se convaincre que pour définir la table ou le banc, il faut posséder déjà un certain développement philosophique et dialectique. Et ce même élève qui pleure parce qu’il ne peut pas écrire son devoir sur le banc décrira très bien le sentiment de l’amour ou de la colère, la rencontre de Joseph avec ses frères, une prise de corps avec un de ses cama-