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phrase entière, par exemple : « Aujourd’hui Marfoutka s’est battu avec Olgoucha. » Pour organiser cette classe, le maître, de même qu’un adulte qui montre à des enfants un jeu quelconque, se borne à leur apprendre comment travailler ensemble. En effet, cette classe, durant deux ans, ne subit point de changement et chaque jour restait aussi gaie, aussi animée qu’un bon jeu : la lecture, la prononciation, l’écriture, la grammaire se faisaient à la fois. Par ce moyen s’acquiert spontanément la chose la plus difficile pour commencer l’étude d’une langue : la foi en l’immuabilité de la forme de la parole, non seulement imprimée, mais dite, de la parole à soi. Je crois que tout maître ayant enseigné la langue d’après la grammaire de Vostokov ou autrement, s’est heurté à cette première difficulté. Vous désirez attirer l’attention de l’élève sur un mot quelconque, moi, par exemple. Vous raisonnez la phrase qu’il a dite : — « Mikichka m’a poussé du perron. » — « Qui a-t-il poussé ? » dites-vous pour lui faire répéter la phrase et espérant y trouver moi. — « Nous », répond-il. — « Non, comment as-tu dit ? » demandez-vous. — « Nous sommes tombés du perron par la faute de Mikichka», répond-il, ou : — « Il nous pousse : Praskoutka tombe, et moi je tombe derrière elle. » Cherchez ici votre moi, tandis que l’élève ne voit pas de différence entre les deux phrases qu’il a dites. Si vous prenez un livre ou commencez à répéter sa phrase il ne discutera