qui nous semble la plus probable, c’est que ce défaut
qui nous frappe n’est pas objectif mais provient
de notre idée que le but de l’enseignement de la
langue est de hausser les élèves jusqu’à la connaissance
de la langue littéraire et, principalement,
d’atteindre au plus vite ce but. Il est très probable
que la lecture graduelle que nous rêvons s’établira
spontanément et que la connaissance de la langue
littéraire viendra en son temps, pour chaque élève
à part ; c’est ce que nous voyons constamment chez
les hommes qui lisent successivement, sans les
comprendre, les psaumes, les romans, les papiers
judiciaires, et, par cette voie, arrivent à la connaissance
de la langue littéraire. Cette supposition nous
explique fort bien pourquoi tous les livres qui paraissent
sont si mauvais et si contraires au goût du
peuple. Mais en attendant, que doit faire l’école ?
Car, après avoir décidé que la connaissance de la
langue littéraire est utile, nous ne pouvons admettre
qu’on puisse, par les explications, par des phrases
apprises par cœur, par des répétitions, inculquer
au peuple, malgré lui, la langue littéraire, comme
on peut lui faire apprendre le français. Nous devons
avouer que les deux derniers mois, après plusieurs
essais, nous avons toujours rencontré chez
les élèves un dégoût invincible, prouvant que la
voie où nous nous sommes engagés est fausse. Par
ces expériences je me suis convaincu seulement
que l’explication du sens des mots est tout à fait
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