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attentivement. Celui qui lit pour la trentième ou quarantième fois la même page, (une feuille d’impression ne peut pas durer plus d’un mois et acheter chaque fois de nouveaux livres serait coûteux. En outre, il n’y a que deux livres à la portée des enfants de paysans, les contes de Koudiakov et ceux d’Afanassiev. De plus, le livre une fois lu dans une classe et appris par cœur par quelques-uns ennuie non seulement les élèves, mais même les parents), celui-ci, dis-je, devient timide au son de sa voix qui éclate dans le silence de la classe. Il met toute son attention à observer les points et la ponctuation et il prend l’habitude de lire sans tâcher de comprendre ce qu’il lit. Ceux qui écoutent font de même et, persuadés de trouver le passage qu’il faudra quand on leur dira de continuer, ils suivent la ligne avec le doigt, s’ennuient et se distrayent par tous les moyens possibles. Les sons de ce qu’on a lu machinalement entrent parfois dans leurs têtes malgré eux. Le principal danger réside dans cette lutte éternelle entre les élèves et le maître, laquelle, jusque-là, n’existait pas dans notre école ; et le seul avantage de ce mode de lecture : la prononciation exacte des mots, n’avait aucune importance pour les élèves. Nos élèves avaient commencé à lire sur le tableau des phrases écrites et prononcées par eux-mêmes, tous savaient qu’on écrit kogo et prononce kavo, et je crois inutile d’apprendre à changer le ton suivant la ponctuation, car chaque enfant de cinq ans sou-