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avec force ses idées, dans sa propre langue ; tantôt vous voyez une créature fatiguée, renfermée, avec une expression de fatigue, de crainte et d’ennui, qui répète seulement des lèvres, des mots étrangers, dans une langue étrangère, une créature dont l’âme, comme un escargot, s’est cachée dans sa demeure. Il suffit de comparer ces deux états pour décider lequel est le plus avantageux pour le développement de l’enfant. Cet état étrange, psychologique, que j’appelle état écolier de l’âme et que, par malheur, nous connaissons bien tous, consiste en ce que toutes les capacités supérieures : imagination, création, intuition, cèdent leur place aux capacités demi-animales de prononcer des sons indépendamment de l’intelligence, de compter des nombres, 1, 2, 3, 4, 5, d’adopter des mots sans permettre à l’inintelligence de les remplacer par des images ; en un mot la capacité de supprimer en soi toutes les capacités supérieures pour favoriser le développement de ce qui concorde avec l’état écolier : la crainte, la tension de la mémoire et de l’attention.

Chaque écolier fait tache dans l’école tant qu’il n’est pas tombé à cet état demi-animal. Aussitôt que l’enfant est arrivé à cet état, aussitôt qu’il a perdu son indépendance et son originalité, aussitôt que se manifestent en lui les divers symptômes de la maladie — l’hypocrisie, le mensonge surtout, la confusion de la pensée, etc., il ne