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grandes feuilles écrites d’un bout à l’autre, resta dans la chambre du maître à qui je l’avais montré.

Encore avant mon départ, pendant la période de composition, un élève nouveau venu apprit à nos enfants à faire des pétards en papier. Cet amusement remplaça les jeux dans la neige, qui eux-mêmes avaient remplacé celui de couper des petites bûchettes. La période des pétards se prolongea pendant mon absence. Siomka et Fedka, qui étaient parmi les chanteurs, venaient dans la chambre du maître pour répéter les chants, et ils y passaient des soirées entières et parfois même des nuits. Dans l’intervalle et pendant le chant, les pétards marchaient ferme et, naturellement, tous les papiers qui étaient à portée se transformaient en pétards. Le maître s’en alla souper et oublia de dire que les papiers laissés sur la table étaient nécessaires, et le manuscrit, l’œuvre de Makarov, de Morosov, et de Tolstoï, fut transformé en pétards. Le lendemain, avant la leçon, les élèves eux-mêmes étaient déjà si las des pétards, qu’il y eut à leur égard proscription générale. Avec des cris tous les pétards furent condamnés et triomphalement jetés dans le poêle allumé.

La période des pétards était finie, mais avec elle notre manuscrit aussi était anéanti.

Jamais perte ne me fut plus pénible que la perte de ces trois feuilles. J’étais désespéré. Je voulais commencer une autre nouvelle, mais ne pouvais oublier