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— Mais quel homme est-il selon toi ? demandai-je.

— Lui ? Comme l’oncle Timothée, répondit Fedka, en souriant : une petite barbiche, il va à l’église et élève des abeilles.

— Il est bon mais têtu ? demandai-je.

— Oui, répondit Fedka, il n’obéira pas à la femme.

Arrivés au passage où l’on amène le vieux dans l’izba, le travail devint très animé. Ici ils sentaient pour la première fois, évidemment, le charme de l’impression par la parole d’un détail artistique. Sous ce rapport surtout se distinguait Siomka : les détails les plus sûrs se succédaient. Le seul reproche qu’on pouvait lui faire c’est que ces détails restaient le présent, sans lien avec la marche générale de la nouvelle. Je ne pouvais pas écrire et leur demandai d’attendre et de ne pas oublier ce qui avait été dit. Siomka semblait voir et dépeindre ce qui se trouvait devant ses yeux : les lapti gelés, la boue qui en découlait quand ils dégelaient, la pâte en laquelle ils se transformèrent quand la femme les eut jetés dans le poêle. Fedka, au contraire, voyait seulement les détails qui provoquaient en lui le sentiment avec lequel il envisageait certain personnage. Fedka voyait la neige se glisser dans les bandelettes du vieillard, l’expression de pitié avec laquelle le paysan disait : « Seigneur Dieu ! comme il a marché ! » Fedka repré-