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— Eh bien ! dis-je, à qui écrira le mieux ; je compose avec vous.

Je commençai la nouvelle publiée dans le no 4 de Iasnaïa-Poliana et j’écrivis la première page. Toute personne non prévenue, ayant le sentiment de l’art et la connaissance du peuple en lisant cette première page écrite par moi et les suivantes écrites par les élèves eux-mêmes distinguera cette première page comme une mouche dans du lait, tant elle est fausse, artificielle et mal écrite. Je noterai que dans sa forme première elle était encore plus mauvaise, elle a été beaucoup corrigée grâce aux indications des élèves.

Fedka penché sur son cahier me regardait ; ses yeux rencontrèrent les miens ; il les cligna en souriant et dit : « Écris, écris, je te montrerai. » Évidemment cela l’intéressait de voir un grand composer aussi. Dès qu’il eut terminé sa composition, plus mal et plus vite qu’à l’ordinaire, il s’accrocha au dossier de ma chaise et se mit à lire par-dessus mon épaule. Il me fut impossible de continuer : d’autres s’approchaient de nous, et je leur lus à haute voix ce que j’avais écrit. Cela ne leur plut point, personne ne me loua, et, pour calmer mon amour-propre d’auteur, je me mis à leur narrer le plan de la suite. À mesure que je racontais je me laissais entraîner, je me corrigeais et ils commencèrent à me souffler. L’un disait que le vieux devait être un sorcier ; un autre disait : — Non, pas ça,