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banquiers, des professeurs, etc. Une simple observation me confirme encore dans cette idée : l’ouvrier, avec les mêmes sarcasmes et le même esprit, se moque du maître qui ne sait pas ce que c’est qu’un araire, le sarrasin, le genêt, qui ne sait pas quand il faut ensemencer l’avoine, le sarrasin, qui ne sait pas reconnaître si une vache est pleine ou non, qui passe toute sa vie à ne rien faire, de même que le maître se moque de l’ouvrier parce qu’il parle mal, parce que, un jour de fête, il s’enivre comme une brute et ne peut indiquer le chemin. La même observation me frappe, quand deux hommes, dès qu’ils se sont querellés, se traitent tout franchement d’imbéciles et de canailles.

Cette observation me frappe encore plus dans le choc des peuples d’Orient avec les Européens. Les Indous regardent les Anglais comme des barbares et des brigands, les Anglais jugent de la même façon les Indous ; les Japonais pensent la même chose des Européens et les Européens des Japonais ; même le peuple le plus progressiste, les Français, trouve que les Allemands sont lourds, les Allemands trouvent que les Français sont écervelés. De toutes ces observations je conclus que les progressistes jugent que le peuple n’a pas le droit d’avoir d’opinion sur son bien-être, et que le peuple regarde les progressistes comme des gens soucieux de leurs propres avantages. De sorte que, de ces opinions contradictoires, on ne peut décider qui