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de tricot, ni de soie, ni de montre, ni de vin français, ni de sardines. Tout ce qu’il lui faut et tout ce qui, à ses yeux, fait la richesse et améliore son bien-être, il l’acquiert par son travail sur sa propre terre.

Macaulay dit que la meilleure mesure du bien-être du peuple ouvrier c’est le salaire. Faut-il que nous, Russes, nous ayons si peu le désir de savoir et que nous connaissions si peu la situation de notre peuple pour répéter une proposition si insensée et si fausse ? N’est-il pas évident pour chaque Russe que le salaire est un hasard pour le paysan russe, un luxe sur lequel on ne peut rien fonder ? Tout le peuple, tous les Russes sans exception, considèrent indiscutablement comme riche un paysan des steppes qui a un dépôt de vieux blé dans sa grange et n’a jamais eu de salaire, et ils considèrent comme pauvre un paysan des environs de Moscou, en chemise d’indienne, qui reçoit toujours un salaire assez élevé. Non seulement il est impossible, en Russie, de définir la richesse par le salaire, mais on peut affirmer qu’en Russie le salaire est l’indice de la diminution de la richesse et du bien-être. Cette règle, nous les Russes qui étudions notre peuple, nous pouvons la contrôler dans toute la Russie, et c’est pourquoi, sans discuter la richesse des États et celle de toute l’Europe, nous pouvons et devons dire que pour la Russie, c’est-à-dire pour la grande majorité du peuple russe, non seulement le salaire