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gêné par la sévère loi relative à la détérioration des lignes télégraphiques.

Par le fil vole cette pensée : la demande de tel ou tel objet de commerce a-t-elle augmenté et de combien faut-il, en conséquence, hausser le prix de cet objet ? Ou celle-ci, je suppose être une propriétaire russe résidant à Florence : « Grâce à Dieu, mes nerfs vont mieux, j’embrasse mon époux bien-aimé, et lui demande de m’envoyer au plus tôt quarante mille francs. » Sans faire la statistique détaillée des dépêches, on peut absolument convenir que toutes appartiennent à ce genre de correspondance dont j’ai cité les modèles. Mais un paysan de Iasnaïa-Poliana, de la province de Toula, ou n’importe quel autre paysan russe (il ne faut pas oublier que ces paysans forment la masse du peuple, à qui le progrès pense assurer le bien-être) n’a jamais envoyé ni reçu de télégramme, et, de longtemps encore, il n’en enverra pas et n’en recevra pas. Toutes les dépêches qui passent au-dessus de sa tête ne peuvent ajouter une once à son bien-être, parce que tout ce qu’il lui faut, il le tire de son champ, de son bois, et il est également indifférent au bon marché ou à la cherté du sucre ou du coton, au renversement du roi Othon, aux discours prononcés par Palmerston et Napoléon III, aux sentiments de la dame qui écrit de Florence. Toutes ces idées qui, avec la rapidité de la foudre, parcourent le monde, n’augmentent pas la productivité de son champ,