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montre le contraire. Un étudiant, ou ne sait pas du tout faire les affaires ni honnêtement ni malhonnêtement, ou, s’il le sait, il ne les mène que conformément à sa nature, conformément à toute cette somme d’habitudes morales que la vie a élaborées en lui, indépendamment de l’école. Je connais autant d’étudiants honnêtes que d’hommes honnêtes des autres classes et réciproquement. Mais supposons même que l’instruction universitaire développe en l’homme le sentiment de l’équité et que, grâce à cela, les ignorants préfèrent les ignorants aux étudiants et les apprécient davantage ; supposons qu’il en soit ainsi. Pourquoi alors nous, les gens instruits et aisés, les gentilshommes, les littérateurs, les professeurs, ne pouvons-nous employer les étudiants autre part qu’au service d’État ? Je ne parle pas de ce service parce que les appointements qu’on reçoit ne sont point proportionnés au mérite et au savoir. Chacun sait qu’un étudiant, un officier en retraite, un propriétaire terrien ruiné, un étranger et les autres, aussitôt qu’ils ont besoin de gagner leur vie, viennent dans la capitale et, selon leurs protections et leurs exigences, reçoivent un emploi dans l’administration, et, en cas de refus, se jugent offensés. C’est pourquoi je ne parle pas des appointements qu’on reçoit au service, mais je demande pourquoi ce même professeur, qui a fait des cours aux étudiants, paie quinze roubles par mois au portier ou vingt roubles à un charpentier, et, à