Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nant au maréchal. Et de ces trois éléments le groupe des prisonniers fondait le plus. Sur trois cent trente sortis de Moscou il en restait maintenant moins de cent. Les prisonniers gênaient les soldats de garde encore plus que les selles du dépôt de cavalerie et que les bagages de Junot. Ils comprenaient que les selles et les bagages de Junot pouvaient être utiles à quelque chose, mais que des soldats affamés et gelés devant faire sentinelle et garder des Russes également affamés et gelés, mourants, qui retardaient la marche et qu’on ordonnait de tuer, c’était non seulement incompréhensible mais tout à fait révoltant. Et les soldats de garde, comme s’ils avaient peur, dans la triste situation où eux-mêmes se trouvaient, de s’adonner à la pitié pour les prisonniers, et par cela, d’aggraver leur propre situation, se montraient particulièrement sombres et sévères avec eux.

À Dorogobouge, pendant que les soldats, ayant enfermé les prisonniers dans une écurie, allaient piller leurs propres magasins, quelques soldats prisonniers firent un trou dans le mur et tentèrent de s’enfuir, mais, repris par les Français, ils furent fusillés.

L’ordre donné à la sortie de Moscou : que les officiers prisonniers marchent à part des soldats, était inobservé depuis longtemps. Tous ceux qui pouvaient marcher allaient ensemble et Pierre, depuis le troisième relais, avait rejoint Karataïev et