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la cour seigneuriale et, au lieu de tenir les guides, il agitait étrangement et rapidement les deux mains, glissant de plus en plus d’un côté de la selle. Le cheval se heurta contre un bûcher qui venait de s’éteindre et Pétia tomba lourdement sur la terre humide. Les Cosaques virent que ses bras et ses jambes s’agitaient rapidement pendant que sa tête restait immobile : une balle lui avait traversé le cerveau.

Après avoir parlé à l’officier supérieur français qui était sorti de la maison, un mouchoir blanc au bout de l’épée, et avait déclaré qu’il se rendait, Dolokhov descendit de cheval et s’approcha de Pétia étendu immobile, les bras écartés.

— Fini ! dit-il en fronçant les sourcils, et il alla dans la porte cochère à la rencontre de Denissov qui arrivait.

— Tué ! s’écria Denissov en apercevant de loin le corps de Pétia dans une attitude qu’il connaissait pour celle d’un mort.

— Fini ! répéta Dolokhov qui semblait prendre plaisir à prononcer ce mot. Puis il s’approcha rapidement des prisonniers que les Cosaques, descendus de cheval, entouraient. — Pas de prisonniers ! cria-t-il à Denissov.

Denissov ne répondit point, il s’approcha de Pétia, descendit de cheval, et, de ses mains tremblantes, tourna vers lui le visage souillé de sang et de boue, déjà pâle.