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pouvais pas, sans que mon sentiment patriotique en fût blessé, lire jusqu’à la fin ce roman qui a la prétention d’être historique. » À cela je répondis à Norov que les témoignages des participants des grands événements historiques, ne sont pas toujours plus exacts que ceux des historiens ultérieurs et même des romanciers qui ont accès aux sources les plus larges et les plus variées et qu’entre autres, la vérité artistique de l’œuvre du comte Tolstoï ne dépend pas du tout de ce fait que telle ou telle colonne, pendant la bataille qu’il décrit, se trouvait à droite ou à gauche du chef, etc.

« Norov attaquait surtout un passage du roman. « Le comte Tolstoï, me dit-il, raconte que le prince Koutouzov, en attendant l’armée à Tzarevo-Zaïmitché, était en train de lire un roman de madame de Genlis : Les Chevaliers du Cygne. Est-il possible que Koutouzov, ayant devant lui l’armée de Napoléon et se préparant à accepter la bataille avec lui, ait eu le temps non seulement de lire le roman de madame de Genlis mais même d’y penser ? »

— « Eh bien, qu’y a-t-il à cela d’impossible ? objectai-je au critique. C’était peut-être un calcul de la part de Koutouzov d’encourager son entourage par son calme extérieur. Et en outre, c’est un désir si naturel à chaque homme de calmer les nerfs trop tendus par quelque chose de tout à fait étranger, par la lecture d’un livre, par quelque chose qui n’ait aucun rapport avec la préoccupa-