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phie qui dominait, des particularités de l’éducation, de l’usage de la langue française, etc. Et ce caractère, j’ai tâché de l’exprimer comme je l’ai pu.

3o L’emploi de la langue française dans une œuvre russe ! Pourquoi, dans mon roman, non seulement les Russes mais même les Français, parlent-ils tantôt russe, tantôt français ? Ce reproche que les personnages pensent et causent en français dans un livre russe est semblable au reproche que ferait un homme en regardant un tableau et y remarquant des taches noires — les ombres, qui n’existent pas en réalité. Le peintre n’est point fautif si les ombres qu’il a faites à un tableau paraissent à quelques-uns une tache noire n’existant pas dans la réalité. Le peintre n’est coupable que si ses ombres sont mal placées et grossièrement faites. En m’occupant du commencement de ce siècle, en présentant les types russes d’une certaine société, de Napoléon et des Français qui prirent une part si directe à la vie de ce temps, malgré moi je me suis laissé entraîner plus qu’il ne le fallait par la forme de l’expression et la manière française de penser. C’est pourquoi, sans nier que les ombres que j’ai faites sont probablement inexactes et grossières, je désirerais simplement que ceux à qui il semblera très ridicule que Napoléon parle tantôt russe, tantôt français, sussent que cela est seulement pour eux une apparence parce qu’ils sont comme un homme qui, regardant un portrait,