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et qu’il fît attention précisément à ce que j’ai voulu exprimer mais que, d’après les conditions de mon travail, je n’ai pas trouvé commode de faire. Ni le temps, ni mon savoir ne m’ont permis de faire tout ce que je m’étais proposé, et je profite de l’hospitalité d’une revue spéciale pour exposer brièvement aux lecteurs que cela peut intéresser l’opinion de l’auteur sur son propre ouvrage.

1o Qu’est-ce que c’est que Guerre et Paix ? Ce n’est pas un roman, encore moins un poème, ni une chronique historique. Guerre et Paix, c’est ce que l’auteur voulut et put exprimer dans la forme qu’il lui a donnée. Une pareille déclaration sur la négligence de l’auteur pour les formes conventionnelles de l’œuvre artistique en prose pourrait sembler de l’orgueil si ce n’était intentionnel, s’il n’y en avait pas d’exemples. L’histoire de la littérature russe depuis Pouchkine non seulement présente beaucoup d’exemples d’un écart pareil des formes européennes, mais même ne fournit pas un seul exemple du contraire. Depuis les Âmes mortes de Gogol, jusqu’à la Maison des morts de Dostoïevski, dans la nouvelle période de la littérature russe, il n’y a pas une seule œuvre artistique qui se soit pliée entièrement à la forme du roman, poème ou nouvelle.

2o Le caractère de l’époque — m’ont dit quelques lecteurs à l’apparition de la première partie de mon roman — n’est pas complètement défini chez