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Pour montrer avec quelle passion Tolstoï lui-même s’adonnait à ce travail, citons quelques extraits de lettres écrites durant la période de la création de l’œuvre Guerre et Paix.

Dans une lettre à son ami, le poète Fet, du 17 novembre 1864, Tolstoï écrit : « Je souffre et n’écris rien, mais je travaille avec peine. Vous ne pouvez vous imaginer combien m’est difficile le travail préparatoire du labour profond de ce champ sur lequel je suis forcé de semer. Songer et songer à tout ce qui peut advenir de tous les héros futurs d’une œuvre très grande qui est en préparation, et penser aux milliers de combinaisons possibles pour en choisir une : c’est très difficile. Et c’est à cela que je suis occupé[1]. »

Dans une autre lettre de la fin de novembre de la même année, Tolstoï écrit : « Cet automne, j’ai assez avancé mon roman. Ars longa, vita brevis, je le pense chaque jour. Si l’on pouvait réussir à faire la centième partie de ce que l’on conçoit, mais on n’en peut faire qu’une dix-millième partie. Néanmoins la conscience que je peux, c’est le bonheur des littérateurs. Vous connaissez ce sentiment. Cette conscience, moi, je l’éprouve avec une force particulière[2]. »


Dans la lettre du 23 janvier 1865 au même Fet, Tolstoï, avec la timidité d’un écolier qui va à l’exa-

  1. A. Fet. Mes souvenirs. IIe partie, page 49.
  2. A. Fet. Mes souvenirs, IVe partie, page 52.