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liberté, nous est devenue aussi impossible que la représentation d’un acte humain absolument libre.

Ainsi, pour se représenter l’acte d’un homme soumis uniquement à la loi de la nécessité, sans la liberté, nous devons admettre la connaissance d’une quantité innombrable de conditions dans l’espace, d’une période infiniment grande dans le temps et d’une série infinie de causes.

Pour nous représenter l’homme tout à fait libre, non soumis à la loi de la nécessité, nous devons nous le représenter seul en dehors de l’espace, du temps, et de la dépendance des causes.

Dans le premier cas, si la nécessité était possible sans la liberté, nous arriverions à définir les lois de la nécessité par la nécessité elle-même, c’est-à-dire un contenant sans aucun contenu.

Dans le deuxième cas, si la liberté était possible sans la nécessité, nous arriverions à la liberté complète, en dehors de l’espace, du temps et des causes qui, par cela même qu’elles seraient absolues et non bornées, ne seraient rien, ou le contenu seul sans contenant.

En général, nous arrivons à ces deux bases sur lesquelles se dresse toute la contemplation du monde humain : à l’essence incompréhensible de la vie et aux lois qui définissent cette essence.

La raison dit : 1o l’espace avec toutes les formes que lui donne son contenu, — la matière, — est infini et ne peut être compris autrement.