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La deuxième base, c’est le rapport temporaire, plus ou moins visible, d’un homme envers le monde. C’est la représentation plus ou moins claire de la place qu’occupe dans le temps chaque acte de l’homme. C’est cette conception fondamentale grâce à laquelle la chute du premier homme qui eut pour conséquence l’origine du genre humain se présente évidemment comme moins libre que le mariage de l’homme contemporain. C’est cette base grâce à laquelle la vie et l’activité des hommes qui ont vécu il y a déjà des siècles et qui sont liées avec moi dans le temps ne peuvent me paraître aussi libres que la vie contemporaine dont j’ignore encore les conséquences.

La graduation de la représentation de la liberté plus ou moins grande et de la nécessité, sous ce rapport, dépend du laps plus ou moins grand de temps depuis l’accomplissement de l’acte jusqu’à son appréciation.

Si j’examine un acte que j’ai accompli il y a une minute à peu près, dans les mêmes conditions que celles où je me trouve actuellement, cet acte me paraît absolument libre. Mais si je juge un acte accompli il y a un mois, alors, me trouvant dans d’autres conditions, je reconnais, malgré moi, que si cet acte n’était pas commis, beaucoup de choses utiles, agréables et même nécessaires qui en sont découlées ne seraient pas. Si je me transporte en pensée à un acte encore plus lointain (dix ans au-