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se dirigent vers la Bohême. Napoléon Ier l’ordonne et les troupes vont en Russie. Alexandre Ier le veut et les Français se soumettent aux Bourbons. L’expérience nous montre que n’importe quel événement s’accomplit toujours selon la volonté d’un ou de plusieurs hommes qui l’ont ordonné.

Les historiens habitués à la vieille croyance en la participation divine dans les œuvres humaines veulent voir la cause de l’événement dans l’expression de la volonté de la personne investie du pouvoir. Mais cette conclusion n’est confirmée ni par le raisonnement ni par l’expérience.

D’un côté le raisonnement montre que les expressions de la volonté d’un homme, ses paroles, ne sont qu’une partie de l’activité générale qui s’exprime dans l’événement, guerre ou révolution, par exemple, et c’est pourquoi l’on ne peut admettre que les paroles puissent être la cause directe du mouvement de millions d’individus sans admettre la force incompréhensible, surnaturelle — le miracle.

D’autre part, si l’on admet que les paroles peuvent être la cause de l’événement, l’histoire nous montre que les expressions de la volonté des personnages historiques, dans la plupart des cas, ne produisent aucun effet, c’est-à-dire que leurs ordres, souvent, non seulement ne s’accomplissent pas mais, parfois, sont exécutés tout autrement qu’ils avaient été donnés.