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de la locomotive, à la vapeur comprimée dans la chaudière, il n’aura pas le droit de s’arrêter dans la recherche de la cause. Celui qui s’explique le mouvement de la locomotive par la fumée qu’emporte le vent, en observant que l’explication des roues n’est pas suffisante, a pris la première cause qui se présentait à lui et, de son côté, la donne pour cause.

La seule conception capable d’expliquer le mouvement de la locomotive, c’est la conception de la force égale au mouvement visible. La seule conception par laquelle peut être expliqué le mouvement des peuples, c’est la conception d’une force égale à tout le mouvement des peuples.

Et cependant, sous cette conception, les divers historiens comprennent des forces tout à fait différentes entre elles et toutes différentes du mouvement. Les uns voient en lui la force propre aux héros, comme le paysan voit le diable dans la locomotive ; les autres, la force dérivée de quelque autre force, comme le mouvement des roues, et les troisièmes l’influence intellectuelle, comme la fumée emportée.

Tant qu’on écrit les histoires de personnages particuliers, que ce soit celle de César, d’Alexandre, de Luther ou de Voltaire, et non l’histoire de tous sans exception, de tous les hommes qui ont pris part à l’événement, il n’est aucunement possible de décrire le mouvement de l’humanité sans conce-