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— Nous enverrons l’infanterie par en bas, par les marais, continua Denissov. Ils s’avanceront vers les jardins ; vous dirigerez vos Cosaques de là, — Denissov désigna la forêt derrière le village, — et moi, avec mes hussards, d’ici. Et au premier coup…

— On ne pourra pas passer par le creux, il y a une mare, objecta le capitaine. Les chevaux pourraient s’embourber, il faudra prendre plus à gauche.

Pendant qu’ils parlaient ainsi à mi-voix, en bas, dans le creux, craqua un coup, une fumée blanche parut, puis une autre, et les cris, paraissant joyeux, de centaines de voix des Français qui étaient à mi-côte s’entendirent. Au premier moment, Denissov et le capitaine reculèrent. Ils étaient si près qu’il leur sembla être la cause de ces cris et de ces coups.

Mais ni les coups ni les cris ne se rapportaient à eux. En bas courait un homme vêtu de quelque chose de rouge. Évidemment c’était sur lui qu’on avait tiré, contre lui que criaient les Français.

— Mais c’est notre Tikhone ! dit le capitaine.

— C’est lui, c’est lui !

— Quel gaillard ! fit Denissov.

— Il s’en tirera ! opina le capitaine en clignant des yeux.

L’homme qu’on appelait Tikhone, arrivé à la rivière, s’y jeta si brusquement que l’eau jaillit. Il