Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Alors, tu crois que pour lui les idées sont des amusements ?

— Oui, et pour moi, c’est tout le reste qui n’est qu’amusement. À Pétersbourg, tout le temps, je les ai vus tous, comme dans un rêve. Quand une idée me préoccupe, tout le reste est pour moi insignifiant.

— Quel dommage que je n’aie pas vu comment les enfants t’ont rencontré ! Qui s’est réjoui le plus ? Probablement Lise ?

— Oui, dit Pierre, et poursuivant son idée : Nicolas dit que nous ne devons pas penser, mais moi je ne puis pas ne pas penser. Sans parler qu’à Pétersbourg j’ai senti (à toi je puis le dire) que sans moi tout cela se disloquait : chacun tirait de son côté, mais j’ai réussi à les réconcilier, et puis mon idée est si simple et si claire. Je ne dis pas que nous devons faire de l’opposition à tel et tel. Nous pouvons nous tromper ; je dis : que ceux qui aiment le bien se donnent la main et qu’il n’y ait qu’un seul drapeau : la vertu active. Le prince Serge est un brave homme, très intelligent.

Natacha ne doutait pas que l’idée de Pierre ne fût grande, mais une seule chose la gênait : c’était qu’il fût son mari. « Est-ce un homme si important et si nécessaire pour la société et en même temps mon mari ? Comment cela se fait-il ? » Elle voulait lui exprimer ce doute. « Quelles sont ces gens qui peuvent décider s’il est en effet le plus intelligent de