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sur ma table, et aussitôt il me l’a avoué. Je ne l’ai jamais entendu mentir. Oui, c’est un brave, un brave garçon ! répéta Nicolas qui, au fond de son cœur, n’aimait pas Nikolenka mais voulait le reconnaître pour un brave garçon.

— Cependant, je ne remplace pas la mère, dit la comtesse Marie. Je sens que ce n’est pas la même chose et c’est ce qui me tourmente. C’est un excellent enfant ; moi, j’ai grand peur pour lui. La société lui ferait du bien.

— Mais oui, ce ne sera pas long, cet été je l’emmènerai à Pétersbourg, dit Nicolas… Oui, Pierre fut toujours et restera un rêveur, continua-t-il revenant à la conversation qui évidemment l’avait troublé. Eh bien ! Qu’est-ce que cela peut me faire que là-bas, Araktcheiev ne soit pas bon ? qu’est-ce que cela peut me faire si je suis marié, si j’ai tant de dettes qu’on me menace de la prison et que ma mère ne le voit ni ne le comprend ? Et après, toi, les enfants, les affaires… Est-ce pour mon plaisir que, du matin au soir, je travaille dans le bureau ? Non, je sais que je dois travailler pour ma mère et pour que mes enfants ne soient pas des miséreux comme j’étais moi-même.

La comtesse Marie voulait objecter que l’homme ne se rassasie pas de pain seul et qu’il attribuait beaucoup trop d’importance à ses affaires, mais elle savait qu’il ne fallait rien dire, que c’était inutile. Elle lui prit la main et la baisa. Ce geste de sa