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hostile et nuisible, ne peut faire que le mal.

— Pourquoi ? Est-ce que le Tugend-Bund qui a sauvé l’Europe (alors on n’osait pas penser que c’était la Russie qui l’avait sauvée) a fait quelque chose de nuisible ? Le Tugend-Bund c’était l’alliance de la vertu, c’était l’amour et l’aide réciproques, ce que le Christ a enseigné sur la croix.

Natacha qui revint au milieu de la conversation regarda joyeusement son mari. Elle ne se réjouissait pas de ce qu’il disait, cela même ne l’intéressait pas, puisqu’il lui semblait que tout cela était très simple et qu’elle le savait depuis longtemps (cela lui semblait parce qu’elle savait tout ce qui était en l’âme de son mari), mais elle se réjouissait de voir son visage animé et enthousiaste.

Avec un enthousiasme encore plus grand le regardait l’enfant au cou mince sortant du col rabattu, oublié des interlocuteurs. Chaque parole de Pierre brûlait son cœur et, d’un mouvement nerveux, il brisait sans le remarquer la cire et les plumes qui se trouvaient à sa portée sur la table de son oncle.

— Ce n’est pas du tout ce que tu penses, voilà ce qu’était le Tugend-Bund et voici ce que je propose.

— Ah ! mon che’, le Tugend-Bund est bon pour les mangeu’s de chouc’oute, mais je ne le comp’ends pas et même ne puis le comp’endre, prononça Denissov de sa voix haute, décidée. Que tout