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et que le devoir de tous les gens honnêtes est de s’y opposer de toutes leurs forces.

— Que peuvent donc faire les honnêtes gens ? dit Nicolas en fronçant un peu les sourcils. Que peut-on faire ? Mais voilà… allons dans mon cabinet.

Natacha qui savait l’heure venue d’allaiter l’enfant entendit que la bonne l’appelait et alla dans la chambre des enfants. La comtesse Marie l’accompagna. Les messieurs se rendirent dans le cabinet de travail et Nikolenka Bolkonskï, à qui on ne faisait pas attention, s’y glissa aussi et s’assit dans l’ombre près de la table à écrire.

— Et bien ! Que fe’a-t-on ? demanda Denissov.

— Toujours des fantaisies ! dit Nicolas.

— Voilà, commença Pierre sans s’asseoir, et, tantôt marchant, tantôt s’arrêtant, en bafouillant et faisant de grands gestes rapides de la main, il continua : — Voici quelle est la situation à Pétersbourg, l’empereur ne s’intéresse à rien. Il est tout au mysticisme (maintenant Pierre ne pardonnait à personne le mysticisme) et ne cherche que le calme, et seul ces hommes sans foi ni loi Magnitzkï, Araktchéiev et tutti quanti qui sabrent et étranglent tout ce qu’il y a de bon… Tu conviendras que si tu ne t’occupais pas toi-même de ton exploitation mais cherchais seulement le calme, alors, plus ton intendant serait cruel, plus vite tu atteindrais ton but, dit-il à Nicolas.