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travailler, de se fâcher, etc., uniquement parce qu’elle avait un estomac, un cerveau, des muscles, des nerfs, un foie.

Tout cela, elle le faisait sans y être provoquée par rien d’extérieur, et non comme cela arrive chez les hommes dans la plénitude de la vie quand à travers le but auquel ils aspirent on n’en remarque pas d’autres auxquels ils appliquent leurs forces. Elle parlait parce que, physiquement, elle avait besoin de faire jouer ses poumons et sa langue. Elle pleurait comme un enfant parce qu’il lui fallait se moucher, etc.

Ainsi le matin, surtout, si elle avait mangé la veille quelque aliment gras, elle avait besoin de se fâcher et prenait pour prétexte la surdité de madame Biélova. Du bout de la chambre elle commençait à lui dire quelque chose, très bas.

— Il me semble qu’il fait un peu plus chaud aujourd’hui, ma chère, murmurait-elle. Et quand madame Biélova répondait :

— Sans doute, il est arrivé, elle ripostait méchamment :

— Mon Dieu, comme elle est sourde et sotte !

Un autre prétexte, c’était le tabac à priser qu’elle trouvait tantôt sec, tantôt humide ou mal frotté. Après ces chicaneries, la bile se répandait sur son visage et ses femmes de chambre savaient à des indices sûrs quand madame Biélova serait de nouveau sourde, le tabac humide et le visage jaune. De