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Pierre ne se sentait pas coupable, il n’avait pas pu revenir plus tôt ; il savait que, de son côté, cet emportement était déplacé ; il savait que deux minutes après cela passerait, et il savait principalement que lui-même était joyeux et gai. Il voulait sourire mais n’osait même y penser. Il prit un visage coupable, effrayé, courba l’échine.

— Je ne pouvais pas ; je te le jure… Eh bien ! Comment va Pétia ?

— Maintenant, ce n’est rien. Allons. Comment n’as-tu pas honte ? Si tu voyais en quel état je suis quand tu n’es pas là, comme je me tourmente…

— Tu vas bien ?

— Allons, allons ! dit-elle sans lâcher sa main. Et ils allèrent dans leur appartement.

Quand Nicolas et sa femme vinrent chercher Pierre, il était dans la chambre des enfants, il avait sur son énorme main droite le nourrisson qui s’était éveillé et dont le large visage, la bouche ouverte, sans dents, s’épanouissait en un rire heureux.

La tempête était calmée depuis longtemps, un clair soleil brillait sur le visage de Natacha qui regardait son mari et son fils.

— Et vous avez bien dit tout au prince Féodor, demanda Natacha.

— Oui, tout.

— Tu vois, il la tient. (Natacha pensait à la tête de l’enfant). Ah ! combien il m’a donné de craintes…