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lui semblait aussi étrange que se parer pour être contente de soi-même. Se parer pour plaire aux autres lui aurait peut-être paru agréable — elle l’ignorait — mais elle n’en avait point le temps. La principale cause qui la faisait ne pas s’occuper du tout ni de sa toilette, ni du choix de ses expressions, c’était qu’elle n’en avait pas le temps.

On sait que l’homme a la capacité de se plonger tout entier dans un seul objet, quelque minime qu’il paraisse, et l’on sait aussi qu’il n’y a pas d’objet, si minime soit-il, qui, si l’attention se concentre sur lui, ne s’agrandisse jusqu’à l’infini.

L’objet dans lequel se plongeait Natacha était sa famille, c’est-à-dire son mari qu’il fallait tenir de telle façon qu’il appartînt exclusivement à elle, à la maison, et les enfants qu’il fallait mettre au monde, allaiter, élever.

Et plus elle pénétrait, non par son esprit, mais par toute son âme, tout son être, dans l’objet qui l’occupait, plus cet objet s’agrandissait pour elle et plus ses forces lui semblaient faibles, de sorte qu’elle les concentrait toutes sur une même chose et même ne réussissait pas à faire tout ce qui lui semblait nécessaire.

Les discussions et les propos concernant les droits des femmes, les relations entre époux, leur liberté et leurs droits réciproques, bien qu’ils ne s’appelassent pas comme maintenant des questions, étaient à cette époque les mêmes que maintenant. Mais ces