Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Seulement elle pousse jusqu’à l’extrême l’amour de son mari et de ses enfants ; c’en est même bête, ajoutait-elle.

Natacha ne suivait pas cette règle d’or proposée par des gens d’esprit et surtout par les Français, à savoir qu’une jeune femme ne doit pas se négliger et délaisser les arts d’agrément, que même plus qu’auparavant elle doit se parer et charmer son mari. Natacha, au contraire, avait négligé d’un coup tous ses charmes, parmi lesquels un, particulièrement puissant : le chant. Elle l’avait abandonné précisément parce qu’il était le plus fort. Natacha ne surveillait ni ses manières, ni son langage, ni sa toilette ; elle ne cherchait point à se montrer à son mari dans les attitudes les plus avantageuses ; elle ne s’efforcait point de ne le pas ennuyer par ses exigences. Au contraire. Elle sentait que les charmes que l’instinct lui avait appris à employer auparavant, maintenant seraient ridicules aux yeux de son mari à qui, du premier moment, elle s’attacha de toute son âme, c’est-à-dire sans laisser un seul coin d’elle-même fermé pour lui. Elle sentait que les liens qui l’unissaient à son mari n’avaient pas leur force dans le sentiment poétique qui l’avait attiré vers elle, mais dans autre chose d’indéfini, mais de solide, comme les liens de son propre corps avec son âme.

Se friser les cheveux, porter une robe à la mode, chanter une romance, cela pour captiver son mari,