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trempés, et, avec leurs crinières collées, leurs cous paraissaient étrangement minces. La vapeur se soulevait aux flancs des chevaux : les habits, les selles, les guides, tout était mouillé, glissant, humide comme le sol et comme les feuilles tombées qui jonchaient la route. Les hommes, les sourcils froncés, tâchaient de ne pas remuer pour réchauffer l’eau qui arrivait jusqu’à leur corps et ne pas laisser pénétrer de nouvelle eau froide qui coulait sur les habits, les genoux, la nuque.

Au milieu des Cosaques, deux fourgons attelés de chevaux français et russes avançaient bruyamment à la file sur le chemin plein d’eau.

Le cheval de Denissov, en faisant le tour de la mare qui était sur sa route, alla de côté et lui fit frapper le genou contre un arbre.

— Hé ! diable ! cria-t-il avec colère, en grinçant des dents. Il cravacha trois fois la bête en projetant de la boue sur lui et ses camarades. Denissov était de mauvaise humeur à cause de la pluie et de la faim (il n’avait presque rien mangé depuis le matin) et surtout parce qu’il n’avait encore aucune nouvelle de Dolokhov, de plus l’homme qu’on avait envoyé prendre un prisonnier ne revenait pas.

« C’est peu probable qu’il y ait encore une autre occasion comme aujourd’hui d’attaquer le transport. Attaquer seul, c’est trop risquer, et remettre à un autre jour, quelque gros partisan nous enlèvera le butin sous le nez », pensait Denissov en re-