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ment que Nicolas l’épousât, mais j’ai toujours pensé que ce ne serait pas. C’est une fleur stérile, tu sais, comme sur les fraisiers… Parfois je la plains et parfois je pense qu’elle n’en souffre pas comme nous en souffririons.

Mais malgré que la comtesse Marie expliquât à Natacha qu’il fallait comprendre autrement les paroles de l’Évangile, vis-à-vis de Sonia, elle acceptait ce qu’en disait Natacha. En effet, Sonia n’avait pas l’air gênée de sa situation et acceptait tout à fait son sort de fleur stérile. Elle semblait tenir moins aux gens qu’à la maison. Comme les chats elle s’habituait plutôt à la maison qu’aux gens. Elle soignait la vieille comtesse, gâtait les enfants, était toujours prête à rendre les petits services dont elle était capable. Mais tout cela était accepté avec peu de reconnaissance…

Le domaine de Lissia-Gorï, rebâti, n’était pas tenu sur le même pied que du temps du vieux prince. Les constructions, commencées pendant les mauvais jours, étaient plus que simples. L’immense maison à fondements de pierre était rebâtie en bois et plâtrée seulement à l’intérieur ; elle était parquetée en planches et meublée de chaises, de tables et de fauteuils faits par les serfs avec le bois du domaine. La maison avait beaucoup de chambres, y compris les chambres d’amis et celles des domestiques. Les parents des Rostov et des Bolkonskï venaient parfois à Lissia-Gorï en grande famille amenée