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Sans résoudre cette question, il regarda de nouveau son visage douloureux et aimant, et tout à coup, il comprit qu’elle avait raison et qu’il était coupable à ses yeux.

— Marie, dit-il doucement en s’approchant d’elle, ce ne sera plus jamais, je t’en donne ma parole. Jamais !… répéta-t-il d’une voix tremblante comme un enfant qui demande pardon.

Les larmes coulèrent encore plus fort des yeux de la comtesse Marie. Elle prit la main de son mari et la baisa.

— Nicolas, quand as-tu cassé ce camée ? fit elle pour changer la conversation en regardant sa bague qui portait en chaton un camée représentant une tête de Laocoon.

— Aujourd’hui… c’est la même chose… Ah ! Marie, ne me rappelle pas cela ?… Je te donne ma parole d’honneur que cela ne se répétera plus et que ce sera pour moi un souvenir, dit-il en montrant la bague cassée.

Depuis, quand au cours d’une explication avec un starosta ou un employé le sang lui montait à la tête et ses poings se serraient, Nicolas sentant à son doigt la bague cassée baissait les yeux devant l’homme qui le mettait en colère.

Cependant, une ou deux fois par an il s’oubliait, et alors il venait trouver sa femme, lui avouait tout et lui promettait que c’était pour la dernière fois.