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et, passant sur le balcon, souriait avec un clignement d’yeux, quand, sur la jeune avoine sèche tombait une petite pluie chaude ou pourquoi, quand le vent emportait des nuages menaçants, durant la fenaison, lui, rouge, bruni, revenant du clos tout en sueur, les cheveux imprégnés de l’odeur des champs, se frottait joyeusement les mains et disait :

— Eh bien ! Encore une journée et tout mon foin et celui des paysans sera rentré.

Elle pouvait encore moins comprendre pourquoi lui, avec son bon cœur, sa hâte de prévenir ses désirs, était presque désespéré quand elle lui transmettait la demande des paysans qui s’adressaient à elle pour être déchargés des travaux, pourquoi lui, ce brave Nicolas, refusait obstinément et lui demandait de ne pas se mêler de ces affaires. Elle sentait qu’il avait son monde à lui qu’il aimait passionnément, un monde soumis à des lois quelconques qu’elle ne comprenait pas. Quand, parfois, tâchant de comprendre, elle lui parlait de son mérite qui était de faire du bien à ses serfs, il se fâchait et répondait :

— Mais ce n’est rien du tout. Je n’y pense pas, et pour leur bien je ne ferais pas ça ! Le bien au prochain ! Tout cela c’est de la poésie et des contes de femmes. Ce qu’il me faut c’est que nos enfants ne soient pas des mendiants. Je dois consolider notre fortune pendant que je suis de ce monde.