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s’il avait le pouvoir, Alexandre Ier, après avoir rempli son rôle, sentant sur soi la main de Dieu, tout à coup reconnaît la petitesse de ce pouvoir imaginaire, se détourne de lui, le remet entre les mains d’hommes qu’il méprise et dit seulement :

— Point à nous Éternel, point à nous, mais donne gloire à ton nom ![1] Je suis un homme comme vous, laissez-moi vivre en homme et songer à mon âme et à Dieu.

De même que le soleil et chaque atome de l’éther est une sphère limitée et en même temps n’est que la particule d’un être inaccessible par l’énormité du tout, de même chaque individu porte ses fins en soi, et cependant il les porte pour servir au but général, incompréhensible pour lui.

Une abeille posée sur une fleur pique un enfant et l’enfant craint l’abeille et dit que le rôle de l’abeille est de piquer les hommes. Le poète admire l’abeille qui se plonge dans la fleur et dit que le rôle de l’abeille est de puiser le nectar des fleurs. L’apiculteur ayant observé que l’abeille ramasse le pollen des fleurs et le porte dans la ruche, dit que le rôle de l’abeille est de faire le miel. Un autre qui a étudié de plus près la vie de la ruche dit que l’abeille ramasse le pollen pour nourrir les jeunes abeilles et créer la reine et que son but est la procréation de l’espèce. Le bota-

  1. Psaume 115. Vers 1er. Paroles gravées sur la médaille commémorative de la guerre de 1812. N. d. T.