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et les traditions, et que, peu à peu, se forment un groupe de nouvelles dimensions, de nouvelles habitudes et traditions, et l’homme qui devait être en tête du mouvement futur et porter toute la responsabilité des actes commis, paraît.

Cet homme sans convictions, sans principes, sans tradition, sans nom, pas même Français, par le concours des circonstances les plus étranges, s’avance parmi tous les partis qui troublent la France et, sans s’attacher à aucun, prend la place la plus marquante.

L’ignorance des camarades, la faiblesse et la nullité des adversaires, le cynisme du mensonge, la médiocrité séduisante et présomptueuse de cet homme le placent en tête de l’armée. Les troupes brillantes de l’armée d’Italie, le peu de désir de ses adversaires de se battre, l’audace enfantine et la confiance en soi lui acquièrent la gloire militaire. Une foule de soi-disant hasards l’accompagnent partout : la disgrâce dans laquelle il tombe près des gouvernants français lui est utile. Ses tentatives d’échapper à sa voie ne réussissent pas : la Russie refuse ses services et il ne peut se faire agréer en Turquie. Pendant la campagne d’Italie, plusieurs fois il se trouve à deux doigts de sa perte et chaque fois il est sauvé d’une façon imprévue. Les troupes russes, ces troupes qui peuvent anéantir sa gloire, par diverses considérations diplomatiques, n’entrent pas en Europe pendant qu’il s’y trouve.