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Que lui reproche-t-on principalement ?

Ce n’est pas qu’un personnage comme Alexandre Ier, qui était placé au plus haut degré du pouvoir humain, et, comme un foyer de lumière, éblouissait de tous les rayons historiques concentrés en lui, qui était soumis aux influences les plus fortes du monde des intrigues, des tromperies, de la flatterie, de l’orgueil, inséparables du pouvoir ; un personnage qui sentait peser sur soi, à chaque instant de sa vie, la responsabilité de tout ce qui se faisait en Europe ; un personnage non fictif mais vivant, un homme, avec ses habitudes, ses passions, ses aspirations au bien, au beau et au vrai, ce n’est pas que ce personnage ne fût pas vertueux (les historiens ne lui reprochent pas cela), mais il n’avait pas les aspirations vers le bien de l’humanité, celles qu’a, maintenant, un professeur quelconque, qui, dès sa jeunesse, s’est occupé de la science, c’est-à-dire de la lecture de livres de cours et de copies dans un cahier des extraits de ces livres.

Mais si l’on suppose qu’Alexandre Ier, cinquante ans auparavant, se trompait dans l’idée qu’il se faisait du bien des peuples, on est forcé de supposer de même que l’historien qui juge Alexandre paraîtra, après l’écoulement d’un certain temps, injuste dans son opinion sur ce qui est le bien de l’humanité. Cette supposition est d’autant plus naturelle et nécessaire qu’en suivant le développement de l’histoire,