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Je ne pensais rien, je ne pouvais m’imaginer en quel état il était. Je n’avais besoin que de le voir, d’être près de lui, fit-elle en tremblant et suffoquant.

Et, sans s’interrompre, elle raconta ce qu’elle n’avait jamais dit à personne, tout ce qu’elle avait éprouvé pendant les trois semaines de leur séjour à Jaroslav.

Pierre l’écoutait, bouche ouverte, sans baisser ses yeux pleins de larmes. En l’écoutant il pensait non au prince André ou à la mort, mais à ce qu’elle racontait. Il l’écoutait et la plaignait pour la souffrance qu’elle éprouvait maintenant à son récit.

La princesse, retenant avec peine ses larmes, était assise près de Natacha et écoutait, pour la première fois, l’histoire des derniers jours de l’amour de son frère et de Natacha.

Ce récit pénible et joyeux était évidemment nécessaire à Natacha. Elle parlait en mêlant les détails les plus infimes aux secrets les plus intimes, et elle semblait ne devoir jamais terminer. Plusieurs fois elle répétait la même chose.

Derrière la porte se fit entendre la voix de Dessalles qui demandait si Nikolouchka pouvait entrer dire bonne nuit.

— Oui, et voilà tout, tout… fit Natacha.

Au moment où Nikolouchka entrait, elle se leva rapidement et courut jusqu’à la porte. Elle se