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médecins, il crût de son devoir de prendre l’air d’un homme dont les moments sont précieux pour le bien de l’humanité souffrante, restait des heures entières chez Pierre à raconter ses anecdotes favorites et ses observations sur les mœurs des malades, en général, et des dames en particulier.

— Oui, voilà, avec un homme comme vous, c’est agréable de causer, ce n’est pas comme chez nous en province, disait-il.

À Orel se trouvaient quelques officiers de l’armée française, prisonniers, et un jour, le docteur amena chez Pierre l’un d’eux, un jeune officier italien. Ils commencèrent à se fréquenter et la princesse s’amusait de la tendresse que l’Italien témoignait à Pierre.

L’Italien était visiblement heureux quand il pouvait venir chez Pierre et lui raconter son passé, sa vie de famille, ses amours et lui exprimer son indignation contre les Français et surtout contre Napoléon.

— Si tous les Russes vous ressemblaient un peu, disait-il à Pierre, c’est un sacrilège que de faire la guerre à un peuple comme le vôtre. Vous qui avez tant souffert des Français, vous n’avez pas même de colère contre eux.

Et Pierre ne méritait cette tendresse passionnée de l’Italien qu’en évoquant en lui le meilleur côté de son âme, qu’il admirait.

Les derniers temps du séjour de Pierre à Orel, il