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de lui. Maintenant le sourire de la joie de vivre était toujours sur ses lèvres, dans ses yeux brillait la sympathie pour les hommes et on y lisait cette question : sont-ils aussi contents que moi ? Et les gens avaient du plaisir en sa présence.

Auparavant il parlait beaucoup, s’enflammait en parlant et écoutait peu. Maintenant il se laissait rarement entraîner dans la conversation et il savait écouter de telle façon que les gens lui confiaient volontiers leurs secrets les plus intimes.

La princesse qui n’avait jamais aimé Pierre et éprouvait pour lui un sentiment particulièrement hostile depuis qu’après la mort du vieux comte elle était devenue son obligée, à son dépit et à son étonnement, après un court séjour à Orel où elle était venue avec l’intention de prouver à Pierre que malgré son ingratitude elle croyait de son devoir de le soigner, la princesse sentit bientôt qu’elle l’aimait.

Pierre ne recherchait en rien ses bonnes grâces. Il l’examinait seulement avec curiosité. Autrefois, la princesse sentait qu’il la regardait avec indifférence et raillerie et, comme devant les autres personnes, elle se repliait devant lui. Maintenant, au contraire, elle sentait qu’il pénétrait les secrets les plus intimes de sa vie et, d’abord avec méfiance, ensuite avec reconnaissance, elle lui montrait les meilleurs côtés de son caractère.

L’homme le plus rusé n’eût pu captiver plus habi-